
D’emblée, l’auteur plaide « pour un journalisme augmenté » de toutes les inventions de ce début de siècle, dont l’internet mobile et contributif, les réseaux sociaux, les tablettes et smartphones, la TV connectée, ou l’apport des internautes. Une véritable révolution qui rend la pratique du journalisme, traditionnellement «verticale et isolée, désormais horizontale, multimédia et conversationnelle » Une révolution dont, selon l’auteur, les vieux médias comme les vieux journalistes peinent encore à mesurer les enjeux.
Et Scherer de souligner ce paradoxe: les flots et les flux d’information déferlent comme jamais, les besoins en information suivent, et pourtant, à l’ère de l’« infobésité », les journalistes disparaissent par dizaines de milliers des médias traditionnels en mal de public. Pour résoudre ce paradoxe, à l’heure du « tous passeurs de nouvelles », l’auteur estime que le monde a plus que jamais besoin de journalistes, mais avec de nouvelles missions, telles que : « trier et contextualiser, assembler et mettre vite en perspective, simplifier le monde, aider le public à mieux naviguer sur le web, favoriser l’accès à la complexité, coopérer avec le public et d’autres émetteurs, traiter de grandes quantités de données, optimiser l’accès à ses propres contenus sur toutes les plateformes de diffusion, tout en maîtrisant de nouvelles formes narratives ».
Reste que « le plus noble » du journalisme, à savoir l’investigation, le dépistage des dysfonctionnements, la « surveillance des puissants» est aussi le mandat qui, coûtant le plus cher, se voit le plus menacé par les nouveaux modèles d’affaires en relation avec le web. D’où le plaidoyer de l’auteur pour le développement d’un secteur « hors profit », financé par des mécènes, les pouvoirs publics ou tout simplement le public lui-même, afin d’assurer la survie de cette mission essentielle du journalisme, qui fait de l’information un bien public et un outil de la démocratie.
Cet état des lieux médiatiques d’Eric Scherer date de 2011. Mais à quelques nuances près, son diagnostic, ses descriptions et ses mises en perspective restent pertinents en 2014, s’agissant en particulier de la difficulté, pour la presse écrite, de s’inventer un nouveau modèle d’affaire rentable, en incluant sa production sur le web sans forcément renoncer au papier.
Éliane Ballif
Éditions PUF