
« Toujours plus d’images et toujours moins de télévision »: c’est l’une des formules clé de cet essai généreux en visions synthétiques. Visions du passé, avec une histoire de la télévision scindée en trois âges. Visions du futur, avec la certitude que la télé disparaît sous nos yeux sans que nous en ayons conscience.
Après avoir passé d’un rapport paternaliste à une relation de complicité avec ses spectateurs, la télé se met aujourd’hui au service du narcissisme individuel. Cette fascinante « télé pygmalion » se dissout cependant dans le contexte économique et social contemporain. Les opérateurs de télécommunications lui font concurrence avec la diffusion de contenus vidéo. Internet mange inexorablement le gâteau publicitaire. Et comme pour la presse écrite, le besoin de participation du public s’engouffre déjà dans les possibilités qu’offrent les nouveaux moyens de production personnels.
C’est donc avant tout une certaine télé qui disparaît aujourd’hui. Sans doute les acteurs télévisuels actuels seront-ils toujours présents, mais leurs propositions seront noyées dans une offre d’images qui leur fait perdre toute prééminence. Jean-Louis Missika ne s’en réjouit pas: seul espace de discussion et de contradiction commun, la télévision « d’autrefois » jouait un rôle de forum dans l’espace public. Son effondrement laisse un vide préoccupant. Derrière l’analyse historique et sociologique pointe ainsi l’angoisse que ce bouleversement ne mette à mal la bonne vie démocratique.
Pierre-Louis Chantre
La République des idées et Le Seuil.