
Un réquisitoire de haut-vol contre le danger que les médias audiovisuels font subir à l’ensemble de la société.
Contrairement à ce que le titre du livre peut laisser croire, Bernard Stiegler ne pose pas la seule télévision en ennemi de la démocratie. Sa « télécratie » recouvre tous les médias audiovisuels de masse, de la radio à Internet. Le terme désigne même le fonctionnement de toute une société dont la télévision est à la fois le modèle, le symbole et la tête de pont.
Ce fonctionnement, c’est celui du marketing, dont les médias audiovisuels d’aujourd’hui diffusent les valeurs à la société tout entière. Principaux vecteurs d’un « populisme industriel » qui réduit le citoyen à ses pulsions premières, les médias de masse produisent des références régressives qui brisent les liens affectifs de notre société, infantilisent les citoyens, propagent le degré zéro de la pensée. Ils poussent jusqu’aux hommes politiques à ne s’adresser qu’à l’individu limité à lui-même. Ce faisant, ils démultiplient les effets d’une logique de marché qui détruit toutes les espaces d’échanges publics, en premier lieu l’école et les partis politiques. Le souci des relations sociales, fondement de l’esprit démocratique, n’y trouve plus de place.
S’il continue de se soumettre à la télécratie, notre monde court à la catastrophe : le verdict du philosophe est sans appel. L’auteur est habité d’une très grande angoisse. La puissance des médias lui semble aujourd’hui titanesque, presque impossible à défier. Son essai se termine tout de même sur la conviction qu’il existe forcément une alternative et que les médias, même de masse, ne sont pas fatalement voués à une œuvre de destruction.
Pierre-Louis Chantre
Flammarion