
Produire au détriment de toute qualité, suivre l’actualité comme un âne sa carotte, se soumettre servilement aux injonctions de sa hiérarchie, travailler dans le seul but de conquérir une place au soleil. Telles sont, selon François Ruffin, les valeurs inculquée par le CFPJ, le Centre de formation et de perfectionnement des journalistes de Paris. Telles sont aussi, par extension et selon l’expérience du jeune auteur, les canons qui guident l’ensemble des médias français.
Cette puissante charge contre le journalisme contemporain est née d’une violente colère. Elève habité d’un grand idéal journalistique, François Ruffin n’en revient pas des mots d’ordre abrutissants distillés par la plus prestigieuse école de journalisme français. Soucieux de former des journalistes efficaces et obéissants, professeurs et responsables de presse ne portent plus aucune attention au contenu de l’information. Seuls comptent son potentiel d’attraction et son adéquation aux espaces qui lui sont réservés. Que les journalistes soient nourris à la seule source des dépêches AFP ne provoque pas de discussion. Quant à l’enquête et à l’esprit d’investigation, il en est à peine question…
Formidablement bien écrit, bourré d’anecdotes et de citations tirées da sa vie scolaire (Ruffin a suivi l’école jusqu’au bout), ce livre dépasse le seul cadre du pamphlet. Certains n’y verront que la bile noire d’un étudiant qui n’a pas supporté le choc de la réalité. D’autres – ils sont nombreux – y trouveront la formulation claire de ce qu’ils pensent ou ressentent tout bas sur un métier qui a perdu son estime de soi. Quoiqu’il en soit, chapeau bas devant le courage d’un jeune journaliste qui ose entrer dans la profession en dessinant un portrait sans concession de ses travers.
Pierre-Louis Chantre
Les arènes 2003