
« Vous les médias » ! L’interpellation à la fois agressive et méprisante, ponctue le brulot de Jean-François Kahn. Elle émanerait d’une partie croissante de la population française, qui ne se reconnaît plus dans la pensée unique véhiculée par l’ensemble des médias. Les quelques survivants de la presse dite nationale ne seraient plus lus que par les couches intellectuelles supérieures, tonne le journaliste, éditorialiste et écrivain français, qui pour l’occasion a revêtu sa casquette de polémiste. La révolution couverait au sein du peuple, rendue inaudible et invisible faute d’accès aux médias.
Tare originelle des journalistes et directeurs de médias français, selon celui qui a fondé l’« Evénement du jeudi » et « Marianne » : « ils viennent tous de la même classe sociale, ont fréquenté les mêmes, voire la même école, habitent les mêmes quartiers, fréquentent les mêmes lieux. Disposant du même background culturel, ils pensent tous que « l’Histoire est finie et le modèle social démocrate indépassable ».
Certes, une partie des interpellations rageuses de Jean François Kahn concernent surtout la scène française. Mais nombre de ses invectives vont bien au-delà, s’agissant des pratiques médiatiques d’aujourd’hui. Par exemple, l’auteur s’en prend à « la place dominante de l’insignifiant et du fait divers, ou des formules toutes faites, cent fois répétées sans interroger leur pertinence, ou encore à l’imperturbable déroulé depuis 30 ans, des mêmes spécialistes en tout et n’importe quoi, des mêmes figures philosophiques, des mêmes économistes experts de la gourance décomplexée ». Et l’auteur de stigmatiser aussi l’incapacité à l’autocritique, ou la place faite à « l’intolérance devenue tolérable ».
Globalement parlant l’auteur, dont le verbe m’a rien perdu de son exubérance, regrette l’époque des journaux et médias de combat, qui proposaient des alternatives, voire même des utopies (sic). « Quel devenir les médias explorent-ils ou éclairent-ils aujourd’hui, dés lors que l’horizon social démocrate est indépassable, comme l’aurait été en 1840 l’horizon orléaniste ? », s’exclame-t-il. Et Kahn de conclure en espérant l’avènement d’une nouvelle génération à qui il confie la mission de remplacer « l’horreur médiatique par l’honneur médiatique. »
Éliane Ballif
Éditions Plon