Le Prix Dumur 2016 a été attribué ce mardi à un duo de journalistes sportifs, à savoir Patrick Oberli et Christian Rappaz. Le Jury les récompense pour leur travail d’investigation critique dans le domaine du sport en général, et sur les dossiers du football et de la FIFA en particulier.
Lausanne, le 4 octobre 2016 – Le prix Jean Dumur, qui récompense chaque année un ou une journaliste pour la qualité de son travail, son talent et son courage a été attribué cette année à deux journalistes sportifs, soit Patrick Oberli, de l’agence SportCenter du Matin/Matin Dimanche, et Christian Rappaz, de L’Illustré. Le prix a été remis à Lausanne, à l’occasion d’une cérémonie organisée à la Maison de la Communication, qui abrite notamment le CFJM (Centre de Formation au Journalisme et aux Médias).
L’attribution du prix 2016 a donné lieu à des discussions nourries, l’année ayant été riche en événements marquants, avec notamment les révélations sur les Panama papers. Le jury de l’Association des Amis de Jean Dumur, composé de Sylvie Arsever, Isabelle Binggeli, Jean-Philippe Ceppi, Rémy Chételat, Christian Chevrolet, Alain Jeannet, Marc-Henri Jobin, Anna Lietti, Thierry Meyer, Jean-Jacques Roth, Louis Ruffieux et Dominique Von Burg a finalement choisi d’attribuer le prix de cette année à Patrick Oberli et Christian Rappaz pour leur travail d’investigation critique dans le domaine du sport en général et sur les dossiers du football et de la FIFA en particulier.
Christian Rappaz est primé pour son travail autour de l’affaire Blatter et pour le courage dont il a fait preuve dans ses enquêtes « au risque de se griller dans le milieu ». Son parcours de journaliste d’enquête, à l’intérieur de plusieurs publications, est également salué. Patrick Oberli a également été actif sur les dessous du football et l’affaire Blatter. Il en a fait un travail original en présentant le résultat de ses investigations sous la forme d’un webdocumentaire interactif mis en ligne sur le site du Matin. Comme Christian Rappaz, il conduit des investigations critiques et a subi des pressions auxquelles il a su résister. A son sérieux s’ajoute sa modestie.
Patrick Oberli et Christian Rappaz ont ceci de commun qu’ils ont mené leurs enquêtes seuls. Ils ont dû se constituer toutes leurs sources et travailler de manière critique sur des organismes puissants, avec des personnes qu’ils côtoient quotidiennement, avec les pressions que cela implique.
Dans sa laudatio, Jean-Philippe Ceppi, n’a pas manqué d’éloges pour ceux qu’ils considère comme porteurs d’un journalisme exigeant à forte valeur ajoutée, capable de renverser les puissants, de dénoncer les turpitudes et de rectifier les injustices. « Le Jury du Dumur a souhaité couronner votre engagement acharné et talentueux sur un terrain où peu de vos confrères s’aventurent. Il est vrai qu’on y risque sa place en tribune VIP, ses accès aux stars, et surtout les gros coups de colère de la nomenklatura du sport, dont les bonnes relations avec les éditeurs et diffuseurs sont l’alpha et l’omega d’une audience et de rentrées publicitaires bien senties. (…) Vous avez choisi de labourer les terrains du sport à grands coups de révélations embarrassantes, d’enquêtes incisives, sans crainte des représailles. (…) On ne rigole pas quand on fait de l’investigation dans le monde du sport, trop peu reconnu, traité parfois avec condescendance par les confrères ».
Très touchés par leur prix, les deux lauréats se sont exprimés face à la cinquantaine d’invités présent pour l’occasion. « Se voir attribuer le prix Dumur, en pleine foire du Valais, c’est vraiment la cerise sur le gâteau». A-t-il relevé en plaisantant. Et de poursuivre: « Je suis reconnaissant, et j’accueille cette récompense comme une sorte de quittance pour trente années de travail. Jean Dumur, que j’ai eu la chance de connaître, a toujours été pour moi un modèle, un exemple à suivre dont le pouvoir d’attraction m’a toujours tiré vers l’avant.»
« C’est un véritable honneur, et également une surprise pour moi de recevoir ce prix » a déclaré pour sa part Patrick Oberli. « Quand on m’a annoncé la nouvelle, j’ai eu du mal à y croire. Je remercie le Jury, c’est une bonne chose pour le sport, mais surtout pour la reconnaissance du journalisme sportif, dont les rédactions sont parfois vue comme des ghettos.»
La remise du prix a été suivie d’un débat mené par Laurence Bolomey, ancienne journaliste sportive à la RTS. Relevant la difficulté de ce métier, elle a rappelé ce à quoi doivent faire face ceux qui cherchent à aller plus loin dans leurs enquêtes: « Des portes qui se ferment à tout jamais, la loi du silence, les menaces. Tel est le lot des journalistes d’investigations, telles sont les réponses que reçoivent également les journalistes qui creusent, fouillent et dénoncent des déviances dans le monde du sport et des institutions sportives ». Une réflexion qui a incité les invités à se poser plusieurs questions: « Les journalistes sportifs sont passionnés, le sont-ils trop ? N’ont-ils pas omis, ou eu peur, de dénoncer certaines tricheries ? Les pages sport sont-elles trop sibyllines à ce jour ? L’information sportive ne doit-elle pas être un îlot de rêve au milieu d’une actualité anxiogène » ? Ces points ont été débattus avec les lauréats ainsi qu’avec François Rossier, chef de la rubrique sportive de La Liberté et Joël Robert, rédacteur en chef adjoint de la rubrique sportive de la RTS.